Que risque Moubarak ?

15-12-2011 09:07 AM

Abdel Massih Felli = Michael Victor


Le procès de l’ancien dictateur égyptien s’est ouvert mercredi dernier. Le pharaon est poursuivi pour meurtre et corruption.
L’image aura fait le tour du monde, celle d’un ancien dictateur déchu, vieillard grabataire allongé sur un brancard et caché par des grilles. Un procès pour l’histoire tant le verdict aura une portée internationale, un message envoyé à tous les autres dictateurs du monde, qu’ils aient été balayés comme Zine el Abidine Ben Ali, l’ancien leader tunisien, ou qu’ils poursuivent leur répression, tel Bachar al-Assad en Syrie.
 Cette première apparition en public de l’ancien dictateur depuis sa démission, le 11 février 2011, a provoqué une double réaction. Il y avait ceux qui, à l’ouverture du procès, étaient heureux de voir Moubarak comparaître devant des juges. Il y en avait d’autres qui, mal à l’aise, plaignaient presque l’ancien dirigeant, vieux, malade.
Ce choix d’opinion n’a pour l’instant aucune incidence. Il en aura certainement pour l’histoire. Hosni Moubarak est poursuivi pour meurtre et corruption. Il est notamment accusé d’avoir ordonné aux forces armées de tirer sur les manifestant pendant le soulèvement de janvier. « Toutes ces accusations, je les nie complètement », a assuré l’ancien leader égyptien.
L’ancien ministre de l’Intérieur et six autres prévenus partagent dans ces accusations. S’il est reconnu coupable de meurtre, Moubarak encourt la peine de mort. Le moment n’est pas venu, le procès de Hosni Moubarak et de ses fils a été ajourné au 15 août. Malade, l’ancien président égyptien devra rester à disposition de la justice dans un hôpital près du Caire.
Réaction de la presse égyptienne
La presse égyptienne se faisait l’écho jeudi dernier de l’incrédulité de toute une nation après l’ouverture du procès de l’ex-président Moubarak, en saluant la chute spectaculaire et impensable il y a seulement six mois du “dernier pharaon” comme une victoire de la révolution.
La photo de l’ancien homme fort du pays, vêtu de blanc et couché sur une civière derrière les barreaux de la cage grillagée installée dans la salle d’audience, faisait la Une de tous les journaux.
Une image choc, d’autant plus qu’avant sa chute, les photographes avaient pour instruction de ne sélectionner que les clichés les plus flatteurs du chef de l’Etat, tandis que la moindre spéculation sur sa santé pouvait envoyer un rédacteur en chef en prison.
“Le pharaon dans le box”, proclamait en Une le quotidien indépendant Al-Masri Al-Yom, alors que le journal d’opposition Al-Wafd se félicitait: “le chef du gang… dans la cage”.
“Le châtiment: l’impensable fin de Moubarak”, titrait Al-Ahram weekly.
“Moubarak et son régime aux mains de la justice et bien présents”, soulignait de son côté le quotidien gouvernemental Al-Ahram. Jusqu’au moment où il est apparu dans le tribunal, rares étaient ceux qui croyaient que l’ex-président, malade et soigné depuis avril à l’hôpital de Charm el-Cheikh, serait présent dans la salle.
“Et la révolution égyptienne a réussi”, se réjouissait pour sa part Al-Dostour (indépendant), dont l’ancien rédacteur en chef, Ibrahim Eissa, avait été condamné à de la prison en 2008 pour avoir évoqué la santé de M. Moubarak, avant d’être gracié.
Le quotidien Rose el-Youssef, lui, estimait que ce procès avait rendu “leur dignité à l’Egypte et aux Egyptiens”.
“Une seule image du président déchu, sur son lit à l’intérieur du box, a tout changé. Les révolutionnaires ont été rassurés sur le fait que le procès était réel et non une comédie”, affirme Al-Masri Al-Yom dans un éditorial.
Le monde arabe captivé par le procès


L’image choc de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak dans le box des accusés a captivé le monde arabe, où nombreux sont ceux qui saluent son procès comme une “grande leçon” pour “ceux qui s’accrochent à leur siège”.
La photo de l’ancien homme fort de l’Egypte, couché sur une civière dans une cage grillagée, a fait le tour du monde et frappé les esprits dans une région où les dirigeants sont d’ordinaire tout-puissants et ne rendent que rarement des comptes.
A la télévision ou sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, de nombreux Arabes, du Maroc à la Jordanie, ont suivi le procès en direct, stupéfaits et admiratifs.
“Ce jour s’est transformé en quelque chose qui ressemble à un rêve parce que personne n’imaginait qu’un autocrate puisse s’asseoir derrière des barreaux”, affirme le quotidien palestinien Al-Quds.
“Chaque Arabe espère que ce procès historique sera une leçon pour tous ceux qui s’accrochent à leur siège, pour qu’ils écoutent les revendications de leurs peuples qui demandent liberté, démocratie et justice sociale”, poursuit-il.
M. Moubarak est le premier dirigeant du Moyen-Orient à être jugé en personne depuis le début du “printemps arabe”, qui s’est transformé en répression sanglante et même en guerre, en Syrie et en Libye.
A Damas d’ailleurs, la presse gouvernementale n’a pas dit un mot du procès, à l’exception de l’organe du parti au pouvoir Al-Baath qui s’est contenté d’évoquer son report au 15 août.
Aucune réaction officielle n’a émané de Riyad, autrefois proche allié de M. Moubarak et soupçonné par de nombreux Egyptiens d’avoir fait pression pour lui éviter cette “humiliation”. Mais la presse locale, qui exprime généralement un point de vue proche de celui des autorités, a salué un procès “civilisé”.
Sous le titre “la primauté de la magistrature”, le quotidien Al-Jazira écrit qu'”il n’y a pas d’exception” devant  la justice.
“La maladie de M. Moubarak  n’empêche pas un accusé de rendre des comptes et sa longue contribution à l’action nationale ne peut pas le placer dans l’impunité”, poursuit-il.
“C’est un procès civilisé où ont été respectés les droits du procureur et de la défense”, renchérit le journal Al-Riyadh, en rendant hommage au tribunal pour avoir fait preuve d'”indépendance et d’impartialité”.
“Le procès historique de Moubarak est la preuve que le peuple d’Egypte a vaincu la dictature”, s’enthousiasme pour sa part le quotidien indépendant jordanien Al-Arab Al-Yawm, tandis que son compatriote Al-Ghad juge que ce spectacle va “donner aux révoltes arabes un coup de fouet pour surmonter les obstacles”.
“Ce procès est une victoire de la volonté des peuples de la région en faveur du processus de démocratisation”, commente de son côté le quotidien marocain Al-Tajdid, pour qui ce procès adresse un message particulier au Maroc où “la corruption perdure, malgré les promesses d’en venir à bout”.
Le rédacteur en chef du quotidien palestinien Al Hayat al-Jadida, Hafez al-Barghouti, tempère toutefois cet enthousiasme.
“C’est très bien que le peuple ait été capable de renverser et de juger tout un régime mais cela devrait être fait sans les sentiments de vengeance”, “qui vident la révolution de son contenu”, estime-t-il en se demandant “comment un vieil ancien président a pu rester vivant avec tout ce qu’il a enduré ces derniers mois”.


Echos de la presse française


 


La comparution sur une civière de l’ancien homme fort égyptien Hosni Moubarak, jugé pour meurtres et corruption, suscite à la fois espoir et malaise dans la presse française de jeudi dernier.
“Malaise. Le procès Moubarak a démarré par une mise en scène sinistre visant l’humiliation de l’accusé, la justice ménageant une belle place à son contraire: la vengeance”, écrit le directeur du quotidien de gauche Libération, Nicolas Demorand.
“Dans un pays qui tâtonne toujours sur la voie de la démocratie, l’enjeu pour l’appareil judiciaire sera d’échapper à l’arbitraire qui prévalait jusqu’ici”, rappelle Jean-Christophe Ploquin dans le quotidien La Croix.
“La scène n’est pas glorieuse mais nécessaire”, écrit Olivier Berger dans le quotidien régional La Voix du Nord.
“Le procès de Moubarak et de ses fils a une valeur symbolique considérable”, insiste Pierre Rousselin dans le quotidien conservateur Le Figaro, rappelant que l’ex-raïs égyptien est “le premier dictateur à devoir répondre de ses actes devant son peuple, qui l’a lui-même déposé”.
L’importance de cette audience est également soulignée par Xavier Panon dans La Montagne : “Le procès de Moubarak brise un tabou dans le monde arabe” et l’éditorialiste du journal auvergnat en espère “une vertu pédagogique, voire curative, pour d’autres potentats locaux”.
C’est pourquoi “la première apparition d’Hosni Moubarak depuis sa démission représente malgré tout une victoire pour le mouvement démocratique”, insiste Patrice Chabanet dans Le Journal de la Haute-Marne.
 



 

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