“Nous,Musulmans et Coptes,devons rester solidaires” dans la

15-12-2011 09:06 AM


Entretien accordé par Youssef Sidhom,  propos recueillis par


Hélène Sallon paru le 9-3-2011 dans le quotidien  Le Monde


 Dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 mars, des affrontements ont éclaté entre les membres de deux communautés dans le quartier déshérité à forte population copte de Moqattam, au Caire, faisant officiellement dix morts et 110 blessés. Ces affrontements ont fait suite aux manifestations organisées au cours des derniers jours par la communauté copte pour protester contre l’incendie samedi de l’église Al-Chahidaine dans le gouvernorat de Helwan au sud du Caire. Déjà, lors de la nuit du Nouvel An, un attentat contre une église copte avait fait 23 morts.
Youssef Sidhom, rédacteur en chef de l’hebdomadaire  ” Watani”, revient sur les circonstances de ces violences et expose les attentes de la communauté copte égyptienne forte de 8 millions d’individus – soit 10 % de la population égyptienne – dans l’ère post-Moubarak.
Comment expliquez-vous cette nouvelle flambée de violence entre chrétiens coptes et musulmans égyptiens ? L’origine de l’attaque contre cette église du sud du Caire et de la flambée de violence qu’elle a suscitée est sociale et non religieuse. Ce n’est pas le premier incident de ce type, il y a eu auparavant de nombreux incidents en Haute-Egypte. Tout est parti d’une relation amoureuse entre un homme copte et une femme musulmane. Une relation amoureuse entre un homme et une femme de religions différentes est, en Egypte, perçue de façon très négative par les deux communautés. Quand cette relation a été connue publiquement, cela a suscité un profond malaise social. De jeunes musulmans ont alors décidé de se venger. Ce qui a déplacé cette affaire du terrain social au terrain religieux est que les musulmans considèrent ce genre d’affaire comme une atteinte à l’islam. Des musulmans ont donc attaqué les chrétiens du quartier, indifféremment de leur lien ou non avec le jeune homme mis en cause. Ils ont attaqué l’église, l’ont brûlée et détruite. Mais ils ont également expulsé les chrétiens de leurs maisons et les empêchent encore aujourd’hui de revenir, en proférant à leur encontre des menaces de mort. Les chrétiens ont donc décidé de manifester dans le centre-ville du Caire, avec des musulmans modérés, pour demander que l’église soit reconstruite au même endroit, que l’armée garantisse que tous les chrétiens puissent retourner chez eux, qu’ils soient protégés et que les auteurs de ces actes soient arrêtés. Ces violences sont-elles l’expression de tensions exacerbées entre les deux communautés après la chute du régime Moubarak et d’une instabilité accrue pour la communauté copte dans la situation actuelle ? Non, ce n’est pas le premier incident de ce type et de manière générale, sous Moubarak, la communauté copte vivait dans un état d’instabilité permanent, elle était victime d’inégalités, de discriminations, et les coptes ne bénéficiaient pas de leurs pleins droits de citoyen. Avec la révolution égyptienne, à laquelle la communauté a participé aux côtés des musulmans, il y a eu un sentiment de soulagement et des attentes quant à une mise à bas des inégalités dont elle est victime. Mais la communauté est consciente que ses attentes ne constituent actuellement pas la priorité de la révolution égyptienne. Elle attend que l’armée organise des élections pour élire le nouveau président et le Parlement. A ce moment seulement viendra le temps de l’expression des besoins spécifiques. Notre souci actuel est de faire en sorte que la communauté copte soit assez sage pour ne pas faire de cet incident isolé un prétexte pour entrer dans un conflit ouvert avec les musulmans. Nous, musulmans et coptes, devons rester solidaires et se battre ensemble pour le succès de notre révolution. Quelles sont les revendications spécifiques de la communauté copte envers l’Etat égyptien ? Souhaiteriez-vous notamment l’abrogation de l’article 2 de la Constitution égyptienne qui stipule que “l’islam est la religion de l’Etat dont la langue officielle est l’arabe ; les principes de la loi islamique constituent la source principale de législation” ? L’abrogation de l’article 2 de la Constitution égyptienne n’est pas une revendication de la communauté copte, mais de beaucoup d’Egyptiens chrétiens et musulmans. Les revendications spécifiques de la communauté copte sont en premier lieu la promulgation d’une loi unifiée pour toutes les communautés concernant la construction et l’entretien des lieux de culte. Une distinction est actuellement faite dans la loi pour l’obtention d’un permis de construire d’une église par exemple. Par ailleurs, les coptes ont été victimes pendant des années de discrimination dans l’accès aux postes à responsabilité dans toutes les administrations publiques ainsi que dans l’accès aux organes représentatifs comme le Parlement ou les autorités locales. Finalement, la chose la plus dangereuse et la plus importante pour nous est l’infiltration du système éducatif par un islam fanatique, qui s’exprime notamment dans les représentations qui sont faites de l’islam et des autres religions dans les livres scolaires. L’islam y est présenté comme la seule et unique religion digne de ce nom et la seule source de morale. De quelle manière les coptes envisagent-ils de faire entendre leurs revendications au niveau politique ? Souhaitez-vous notamment que la communauté copte soit représentée dans le comité qui doit préparer les réformes constitutionnelles ? Je n’aime pas que les coptes se plaignent de quelque chose qui n’a aucune incidence réelle sur leur sort spécifique comme c’est le cas pour ce comité. Ce comité a été chargé d’amender certaines dispositions purement politiques de la Constitution qui n’ont à voir qu’avec l’élection du président, la définition de son mandat et l’élection du Parlement. Ce qui est réellement important pour la communauté copte aujourd’hui est qu’elle puisse gagner en représentativité au niveau politique. Il faut pour cela ouvrir la porte à davantage de liberté dans la formation de nouveaux partis politiques. Auparavant, les nouveaux partis étaient soumis à l’approbation du parti de Moubarak. Aucun vrai parti libéral n’a pu être formé. Cela ne signifie pas pour autant que je sois favorable à la création d’un parti chrétien ou copte mais davantage à ce que des musulmans et des chrétiens puissent former ensemble un parti laïque libéral. La deuxième nécessité est de changer la loi électorale, en passant d’un scrutin uninominal à un système combiné de liste. C’est seulement par cette voie que nous pourrons envoyer au Parlement plus de femmes, de coptes et de jeunes.

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