L’Irak va aux urnes aujourd’hui

15-12-2011 09:05 AM

Abdel Massih Felli – Michael Victor


Pour la deuxième fois depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, les Irakiens sont appelés aux urnes aujourd’hui, le 7 mars, pour élire leurs députés. A noter que des attentats se sont produits en l’espace de quelques heures près de bureaux de vote à Bagdad, alors qu’Al-Qaïda et l’autre groupe extrémiste  sunnite Ansar al-Sunna ont menacé de “tout faire” pour torpiller ces élections, cruciales pour l’avenir de l’Irak.
  Les médias du monde entier se sont focalisés sur ces élections qui constituent le moment le plus “important” pour le pays depuis l’invasion conduite par les Etats-Unis.
Moment de vérité   Dans ce contexte, le Magazaine “L’Express” a signalé que les législatives irakiennes, sont un moment de vérité pour Barack Obama. Si le scrutin se déroule dans des conditions relativement bonnes, les “boys” seront rapatriés dans les délais promis par le président américain lors de sa campagne électorale. Mais il pourrait être forcé de revoir son calendrier en cas de reprise des affrontements intercommunautaires. Il ne s’est accordé lui-même en janvier que très peu de marge de manoeuvre lors de son discours sur l’état de l’Union, en déclarant à ses compatriotes: “Toutes nos troupes de combats auront quitté l’Irak d’ici à la fin du mois d’août. Ne vous y trompez pas, cette guerre s’achève et tous nos soldats vont rentrer”.  Barack Obama avait fait de l’Irak, où plus de 4.300 soldats américains ont été tués depuis l’invasion de mars 2003, un thème dominant de sa campagne, mais la crise mondiale et la dégradation de la situation en Afghanistan l’ont fait passer au second plan. Obama s’en est déchargé sur le vice-président Joe Biden. Que fera-t-il si les dirigeants irakiens se chamaillent durablement pour savoir qui formera le prochain gouvernement et si des groupes comme Al Qaïda profitent du vide politique pour raviver les tensions ethno-religieuses, comme après les législatives de 2005, largement boycottées par les sunnites ?
  Retour d’Ahmed Chalabi  De sa part, Le Nouvel Observateur a parlé de grand retour d’Ahmed Chalabi, artisan de la chute de Saddam Hussein et un temps considéré par Washington comme son successeur idéal. Mais l’unité nationale ne fait plus recette et c’est son appartenance chiite qu’il met en avant dans sa campagne. Il est ainsi l’un des dirigeants du comité qui a interdit à près de 500 candidats sunnites de se présenter au scrutin du 7 mars, en les accusant de liens avec l’ancien parti Baas de Saddam Hussein, qui opprimait la majorité chiite. L’affaire fait enrager la minorité sunnite et met en péril la fragile réconciliation nationale qu’espéraient les Etats-Unis après des années de violences religieuses.
A 65 ans, Ahmed Chalabi se présente au nom de l’Alliance nationale irakienne (ANI), coalition regroupant le mouvement anti-américain de l’imam chiite radical Moqtada al-Sadr, soutenu par l’Iran, et le Conseil suprême islamique d’Irak (CSII). Il pourrait apparaître comme le candidat de compromis au poste de Premier ministre si l’Alliance remportait la majorité des 325 sièges au Parlement. Ce ne serait pas le choix le plus évident mais sa capacité à rallier d’autres groupes pour former un gouvernement de coalition pourrait séduire les sadristes.  L’homme politique d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec l’Ahmed Chalabi dont les informations sur le présumé arsenal de destruction massive avaient contribué à l’invasion de l’Irak par la coalition conduite par les Etats-Unis en mars 2003. A l’époque, ses alliés au Pentagone voyaient en lui le possible successeur du dictateur déchu et il était l’un des invités de George W. Bush à son discours sur l’état de l’Union en 2004. Mais la chasse aux armes de destruction massive n’a rien donné et l’étoile d’Ahmed Chalabi a pâli.  Groupes pétroliers   
Par ailleurs, Le Figaro a affirmé que les hauts responsables des grands groupes pétroliers se pressent à Bassora pour inspecter ses gisements d’or noir à bas prix. Leur retour dans le sud de l’Irak est un succès capital pour le Premier ministre Nouri al-Maliki qui espère être reconduit aux législatives d’aujourd’hui. Le chef du gouvernement sortant se targue de pouvoir développer le pétrole irakien négligé depuis plus de 30 ans et d’en tirer des milliards de dollars pour l’économie et la reconstruction du pays. Il lui faudra probablement des années pour tenir ses promesses et nombre d’experts jugent excessivement optimistes ses projections sur l’augmentation de la production, mais ce qui compte aujourd’hui, c’est de convaincre les électeurs. L’Irak recèle 115 milliards de barils de pétrole brut, soit les troisièmes réserves avérées les plus importantes du monde, mais il n’en produit actuellement qu’environ 2,4 millions de barils par jour, bien moins qu’avant le renversement de Saddam Hussein en 2003. Le gouvernement, se fondant sur les promesses des groupes étrangers, veut extraire plus de 12 millions de barils par jour d’ici six à sept ans: une manne de plusieurs centaines de milliards de dollars pour un pays qui tire 95% de ses revenus de l’or noir.
A l’issue d’un appel d’offres l’an dernier, des groupes internationaux ont obtenu de développer dix champs pétrolifères, tandis que le gouvernement compte s’occuper des onze autres qui n’ont pas trouvé preneur. Mais après des décennies de guerre et de sanctions internationales sous le règne de Saddam Hussein, les infrastructures sont en piètre état, tandis que la violence persistante dans le pays entraîne des dépenses de sécurité supplémentaires, surtout si les Etats-Unis retirent toutes leurs troupes d’ici 2011 comme prévu. Le vote de la province de Bassora est crucial pour Nouri al-Maliki. La région fournit 70% du brut national et possède la seule ouverture sur le golfe arabo-persique. Des représentants de onze groupes pétroliers s’y sont rendus rien qu’en février pour rencontrer des responsables irakiens du secteur. Pourtant, Bassora, bastion chiite crucial pour le gouvernement et deuxième ville du pays avec ses trois millions d’habitants, n’a pas l’air d’une cité assise sur un tas d’or noir. Les rues poussiéreuses sont ponctuées de tas d’ordures que se disputent les habitants les plus pauvres pour nourrir moutons et chèvres. L’espace manque pour les voitures et carrioles à âne, tandis que certains quartiers subissent toujours des coupures d’eau et d’électricité. La Coalition de l’Etat de droit de M. Maliki a remporté haut la main les élections provinciales l’an dernier à Bassora et dans d’autres zones du Sud à majorité chiite, grâce à ses succès contre l’insurrection armée, mais sa popularité à Bassora pâtit de l’absence des services de base et de la corruption rampante, ainsi que de la poursuite des attentats à Bagdad.
Le Magazine Le Point a souligné que Les élections législatives en Irak représentent un enjeu de taille pour plusieurs puissances extérieures, dont l’occupant américain et le voisin iranien. Les troupes américaines devront en principe avoir plié bagage à la fin de l’an prochain et l’Iran est bien placé pour accroître l’influence qu’il a gagnée en ex-Mésopotamie depuis l’invasion de mars 2003. Mais Téhéran devra jouer finement pour contrer une puissante résurgence du nationalisme irakien, qui complique sa quête d’un régime chiite ami et, si possible, hostile aux Etats-Unis à Bagdad. L’Arabie saoudite, la Turquie et la Syrie poursuivent aussi leurs propres intérêts chez leur voisin, dont les divisions et tensions ethniques, religieuses et politiques alimentent la vulnérabilité. L’Etat irakien reste si faible, sa souveraineté si perméable et sa classe politique si divisée que c’en est presque une invitation à l’ingérence. L’influence de l’Iran est palpable, s’étend à tout le pays et à son élite politique, même à travers les clivages religieux. Quels que soient les résultats des élections irakiennes, l’Irak pourrait ne pas trouver la stabilité requise si sa classe politique n’arrive pas à un partage équitable du pouvoir, des territoires et des ressources du pays.
légende
Des affiches de campagne électorale tapissent une rue de Bassora

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