Les derniers bains publics du Caire

15-12-2011 10:12 AM

Michael Victor



“Les derniers bains du Caire”, textes de May Telmissany et Eve Gandossi, est un livre aussi accompagné d##un bon nombre de photographies de Pascal Meunier, consacré exclusivement aux bains publics du Caire qui disparaissent dans une totale indifférence.


Au XIIe siècle, Abd el Latif,célèbre médecin irakien, affirmait que “les bains égyptiens étaient les plus beaux d’Orient, les plus commodes et les mieux disposés”. Aujourd’hui, exclus des campagnes de restauration du patrimoine, les derniers 7hammams du Caire se meurent inéluctablement dans l’indifférence générale.”Les Derniers bains du Caire”, est un livre “émouvant et salutaire ” qui nous invite à pénétrer dans ces lieux intimes à travers un travail photographique exceptionnel du photographe Pascal Meunier. Des photographies qui accompagnent des textes littéraires et documentés, de May Telmissany et Eve Gandossi .
“Les Derniers bains du Caire”, paru en décembre 2008, aux Editions Le Bec en l’Air, retrace “l’histoire, les fonctions et rendent hommage à ceux qui luttent contre la disparition des bains publiques du Caire.” Ce livre  qui analyse les fonctions du hammam et ses représentations dans la mémoire individuelle et collective, est suite à un travail entamé avec “Hammams, les bains magiciens” (Editions Dakota, 2001) et puis “Hammams” (Editions Dakota, 2005).


Redevenir humain


Ainsi, et dans l’intimité des maslakhs, les salles de réception, ou sur les dalles de marbre des salles chaudes, apparaît un monde où le corps et l’esprit se libèrent, où “l’on redevient humain, simplement, idéalement, poétiquement humain” selon les mots de l’expérience sensible de l’écrivaine égyptienne May Telmissany.
Dans Les derniers bains du Caire”, les photographies de Pascal Meunier, reporter-photographe, sont le résultat d’un long et patient travail d’observation qui nous plongent dans des univers fascinants, d’une beauté parfois inquiétante, où le dépouillement de l’architecture côtoie le faste oriental du décor populaire. Ses travaux concernent principalement le monde arabo-musulman. Depuis huit ans, Meunier se passionne notamment pour les bains publics d’orient (hammams) auxquels il a consacré trois livres, dont Les derniers bains du Caire paru en 2008. Il collabore avec Grands Reportages, Geo, Le Monde 2 et L’Espresso.
D’autre part, et en écho, à travers une série de six portraits, Ève Gandossi porte un regard généreux et documenté sur celles et ceux qui tentent de conserver une âme à ces lieux qui disparaissent. Les écrits de Gandossi dans “Les Derniers bains du Caire, éclairent le lecteur sur la complexité d’une culture souvent méconnu et peut être oubliée.  Il est à savoir qu’Eve Gandossi est une journaliste française diplômée du CFPJ. Elle travaille principalement sur le monde arabo-musulman et signe des articles notamment dans Grands Reportages, Geo, L’Espresso, La Repubblica… Elle est l’auteur de The Spirit of Cairo (Farid Atiya Press, 2007), Les Derniers Bains du Caire (Editions Le Bec en l’Air, 2008), The last Hammams of Cairo. A Disappearing Bathhouse Culture (American University Press, à paraître en mars 2009).
Quant à May Telmissany, romancière, nouvelliste, traductrice et scénariste, elle a réparti ses écrits Les Derniers bains du Caire, en quatre chapitres: Monument, Expériences collectives, Les bains au cinéma et Cantiques. Il s’agit dans les “Expériences collectives”, selon les écrits de Telmissany, dans “Les Derniers bains du Caire”, d’un “bain collectif qui n’est pas uniquement lié à la question de l’hygiène. Il est avant tout pratique collective, rituel social, démarche envers l’autre, aspiration pour plaire, plan de séduction, échange.” Quant au décor du lieu, il est décrit selon Telmissany, par un lieu qui “se prête à ce genre de convivialité alternant propreté individuelle et rencontre avec l’autre.  Au dépouillement des pièces chaudes et des cellules particulières de savonnage, se substituent les couleurs vives des salles de réception et leur décor décadent.” Quant au silence imposé sur le lieu, c’est pour le besoin de solitude et de recueillement. “Car le silence propice à la méditation représente une étape du processus d’hygiène, une partie intégrante de l’action, une entreprise qui facilite la libération du corps et de l’esprit du surplus, du superflu.”.



Biographie de May Telmissany


Il est à savoir que May Telmissany est née au Caire, en Egypte, en 1965. Elle réside en permanence, depuis quelques années, au Canada. Elle a obtenu une maîtrise ès Lettres françaises à l’Université du Caire, en 1995 et elle accompli, depuis 1998, un doctorat au Département de littérature comparée de l’Université de Montréal.
May Telmissany a été auteur et présentatrice de programmes culturels au service français de Radio Le Caire entre 1988 et 1998. Partageant son temps entre l’écriture, les conférences et l’enseignement, elle a œuvré comme assistante au département des Lettres françaises de l’Université Ménoufia en Égypte (1988-1992), comme maître de conférence à l’Institut du cinéma à l’Académie des Arts (Le Caire) et comme chargée de l’enseignement du cinéma en langue française (1992-1995). Elle a eu plusieurs autres charges de cours, notamment à l’Université du Caire en langue et traduction (1996-1998) et à l’Université de Montréal en littérature comparée (2002) et en études cinématographiques (2001-2004).
Son roman, Doniazade, lui a valu le Prix Arte Mare (Bastia, France) en 2001, et le Prix d’encouragement de l’État, Ministère de la Culture (Le Caire), en 2002. Doniazade a été traduit en anglais, en français, en allemand, en espagnol, en catalan et en néerlandais.
May Telmissany enseigne la littérature et le cinéma à l’université d’Ottawa, au Canada. Ses romans Doniazade (2000) et Héliopolis (2003) sont parus en France aux Éditions Actes Sud.


“Les derniers bains publics du Caire” est une invitation à faire revivre les hammams du Caire tombé dans l’oubli, par “manque de temps, ou par abandon des traditions” et qui  se meurent inéluctablement dans une indifférence quasi générale. Ce, même si dans les ruelles du Caire, quelques bains publics maintiennent encore leur activité. Cependant, ils sont témoins silencieux de l’abandon des fonctions sociales du hammam, de la dégradation d’un patrimoine parfois vieux de onze siècles et de toute restauration. Difficile pour les quelques bains encore ouverts de résister aux pressions immobilières et administratives dans une société égyptienne qui s’est modernisée et où le rapport au corps a changé.


Rituel des bains publics



Lieux de détente et de rites, connus pour leurs vertus thérapeutiques, les bains publics se caractérisent par la vétusté de ses bâtiments, son architecture remarquable et son charme: couleurs vives, décors orientaux clinquants et objets insolites.


Sous les Mamelouks, on dit qu’il y avait 365 hammams au Caire.  Cependant, le rituel du bain public s’est totalement délité dans la société égyptienne, en grande partie à cause de l’état de dégradation avancée de ces lieux. Ce n’est plus le lieu où la personne peut se délasser, où on s’occuper de soi.


Dans le temps les bancs publics étaient des lieux qui attiraient de plus en plus de personnes, à la recherche de soins thérapeutiques, de bien-être, de rajeunissement et de relaxation, les spas ont été décrits comme une nouvelle tendance culturelle. En réalité, les soins de spa (c’est-à-dire, des bains en société dans des ” eaux aux vertus thérapeutiques “) a été pratiqué pendant des milliers d’années, par les Mésopotamiens, les Égyptiens et les Minoens, ainsi que par les Grecs et les Romains et ensuite par les Ottomans, les Japonais et les Occidentaux.


Bains sociaux


Revenant à un temps plus ancien, au temps des Grecs par exemple, Homère et d’autres auteurs classiques signalent que les Grecs s’adonnaient à différents types de bains sociaux, dès 500 avant J.C., notamment des bains de vapeur. En l’an 25 av. J.-C., l’empereur Agrippa conçut et fit construire les premiers ” thermae ” romains (un spa de grande taille). Les empereurs qui lui succédèrent tentèrent de le surpasser en créant des thermes de plus en plus extravagants. Au fil du temps, il se développèrent à travers l’Empire romain, de l’Afrique à l’Angleterre, se transformant graduellement en complexes de loisir complets, proposant des activités sportives, des restaurants et différents types de bains.
Les thermes ou les hammams étaient des établissements de bains publics chauds de la Rome Antique. Ils sont à l’origine une idée grecque, mais les Romains l’ont considérablement améliorée. Ces derniers se rendaient aux thermes pour l’hygiène corporelle et les soins complets du corps, mais ce lieu avait aussi une fonction sociale importante. Les thermes faisaient partie intégrante de la vie urbaine romaine, on s’y lavait, mais également, on y rencontrait ses amis, on y faisait du sport, on jouait aux dés, on se cultivait dans les bibliothèques, on pouvait aussi y traiter des affaires ou se restaurer.
Pour les Romains, le bain représentait à la fois un luxe et une nécessité. Tous s’y rendaient, sans distinction de classe sociale. Ils étaient ouverts aux hommes et aux femmes mais dans des parties ou à des heures différentes.
Après leur matinée de travail, les Romains allaient couramment aux thermes pour se détendre et suivaient un ” parcours ” d’échauffement progressif puis de refroidissement. Tout d’abord, ils allaient déposer leurs vêtements dans les vestiaires, gardés par des esclaves, puis ils s’échauffaient en faisant du sport au gymnase pour transpirer Dans le caldarium, ils se reposaient puis passaient aux bains tièdes, aux bains froids, et enfin, ils allaient se faire masser, épiler, ou encore parfumer.


 

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