Le ton nouveau du dialogue sino-américain

15-12-2011 09:06 AM



La visite du président Hu Jintao à Washington, du 19 au 22 janvier, a confirmé cette vérité première : entre la Chine et les Etats-Unis, les relations ne peuvent pas ne pas être conflictuelles. Pour la première fois depuis longtemps, l’Amérique est confrontée à une puissance qui entend rivaliser avec elle à tous les niveaux : économique, militaire, scientifique, culturel. Le colosse chinois a déjà remodelé la scène économique mondiale ; il entend devenir un géant stratégique, et pas seulement dans sa région. L’émergence d’une Chine riche et puissante est assurément une bonne chose ; elle ne peut s’accomplir dans une irénique harmonie confucéenne – ni à l’intérieur ni à l’extérieur. Il y a donc des conflits, des frictions, des tensions, et le grand mérite de   Barack Obama est de ne pas le cacher. Depuis deux ans déjà, l’irritation monte à Washington en raison des pratiques commerciales de la Chine et de son rôle en tant que partenaire stratégique global. On le sait, les Etats-Unis maudissent la sous-évaluation du yuan, la monnaie chinoise, accusée de nombreux maux. Elle est une distorsion au “juste commerce”, a dit, mercredi, le président américain ; elle est source de déséquilibres structurels majeurs dans la répartition de l’épargne et des déficits mondiaux. Les élus américains traduisent cela de façon très concrète : nous perdons des “jobs” et des parts de marché. Les sénateurs démocrates et la frange   Tea Party des législateurs républicains, très protectionnistes, concoctent en permanence des projets de sanction contre la Chine. Habituellement, ils sont contrecarrés par le groupe de pression prochinois des grandes entreprises américaines. Mais, cette fois, celles-ci sont aussi fâchées. Elles dénoncent l’opacité du marché chinois, notamment celui des commandes publiques, et le pillage de la propriété intellectuelle dans l’empire du Milieu. M. Obama s’est franchement, ouvertement, fait le porte-parole de leurs récriminations. M. Hu a donné le point de vue chinois : critique de l’irresponsabilité budgétaire américaine et d’une politique monétaire d’un dangereux laxisme. En fait, les choses s’améliorent. La Chine a entamé une lente conversion de son économie, qui passe par une réévaluation très progressive du yuan, pour tout à la fois augmenter la demande intérieure et lutter contre l’inflation. Des tensions en mer de Chine du Sud, en passant par Taiwan ou le Tibet, à la question des droits de l’Homme en général, le front stratégico-politique sino-américain est lui aussi agité. Mais, là encore, le président américain n’a pas manié la langue de bois avec son hôte. Et celui-ci a semblé parfaitement admettre cet exposé public des différends entre les deux pays. Ce n’est encore qu’une impression, mais M. Obama paraît s’être défait d’une attitude inutilement déférente à l’égard de Pékin, pour parler vrai, d’égal à égal, sans habillage diplomatique. Dans son dialogue avec la Chine, l’Europe devrait s’en inspirer.                                  ( Editorial du “Monde”)


 

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