Le Soudan face à son destin démocratique

15-12-2011 09:05 AM

Abdel Massih Felli Michael Victor


La commission électorale soudanaise a répété que les élections présidentielles, législatives et régionales se tiendraient comme prévu d’aujourd’hui le 11 au 13 avril, en dépit du boycottage total ou partiel annoncé par une partie de l’opposition et les ex-rebelles sudistes. Il n’y aura “aucun report”, a déclaré à la presse le chef du comité technique de la commission électorale, Hadi Mohamad, à l’issue d’un entretien avec l’émissaire américain Scott Gration. “Les préparatifs (pour le scrutin) sont terminés”, a-t-il assuré. Dans le même temps, une cinquantaine de personnes ont manifesté devant les locaux de la commission électorale, réclamant un scrutin “libre et équitable”. Le Soudan, pays le plus vaste d’Afrique, doit tenir de ce dimanche à mardi ses premières élections multipartites en 24 ans. Mais des formations d’opposition ont indiqué vouloir boycotter le scrutin et Yasser Arman, le candidat des ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), a retiré sa candidature à la présidentielle. Les quatre principales composantes du Consensus national -le Parti Umma (nationaliste), le Parti Umma réforme et renouveau, le Parti communiste et le Parti unioniste démocrate (DUP)- ont accusé la commission électorale de partialité et estimé que le parti du président Omar el-Béchir, le Parti du congrès national (NCP), se préparait à bourrer les urnes. Le Umma et les Unionistes sont les deux piliers traditionnels de la politique soudanaise. Ils avaient respectivement terminé premier et deuxième du dernier scrutin multipartite de 1986, avant le coup d’Etat militaire de l’actuel président en 1989. Al Béchir, objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour, se dirige vers une victoire facile. Des luttes locales sont en revanche attendues pour les législatives et les régionales. Outre la présidentielle, le SPLM, parti au pouvoir dans la région semi-autonome du Sud-Soudan -où doit avoir lieu l’an prochain un référendum sur l’indépendance-, entend, lui, boycotter les élections au Darfour (ouest), région où sévit une guerre civile. Nouveau coup Dans ce contexte, la crédibilité des premières élections multipartites en près de 24 ans au Soudan a subi un nouveau coup dur avec le boycott du scrutin par les ex-rebelles sudistes dans les régions du nord du pays. Le SPLM avait déjà annoncé la semaine dernière le retrait de son candidat à la présidentielle et principal rival du chef de l’Etat sortant Omar Al Béchir, Yasser Arman, et annoncé un boycott de l’ensemble du processus électoral au Darfour, région de l’ouest du Soudan en proie à la guerre civile. Mardi soir, l’ex-rébellion sudiste a étendu son boycott à l’ensemble du processus électoral au Nord-Soudan, hormis les régions limitrophes du Nil Bleu et du Kordofan-Sud, a annoncé Pagan Amum, secrétaire général du parti à l’issue d’une réunion du bureau politique du parti à Khartoum. Regrets du parti au pouvoir Le Parti du Congrès national (NCP) du président soudanais Omar Al Béchir a critiqué la décision de son principal partenaire gouvernemental, le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), de boycotter les élections générales dans les Etats du nord du pays. Le NCP “regrette la décision du SPLM et exhorte le mouvement à la reconsidérer”, a déclaré Ibrahim Ghandour, un haut responsable du NCP chargé du dossier électoral, qualifiant cette décision d'”injustifiée”. “Le SPLM semble se retirer en raison de la division interne qui a provoqué des décisions irraisonnables et injustifiées”, a affirmé Ghandour, qui a par ailleurs rejeté les accusations de manipulation électorale, soulignant: “les élections n’ont pas encore commencé”. “Si le SPLM boycotte les élections en raison du truquage dans le nord, il participe encore au scrutin dans le sud”, a-t-il rétorqué.
Retrait d’observateurs La mission d’observation de l’Union européenne pour les élections soudanaises prévues du 11 au 13 avril a décidé mercredi de retirer son personnel du Darfour (ouest), prenant acte de l’impossibilité d’accomplir sa tâche dans cette région en proie à la guerre civile. “J’ai décidé de revenir avec l’ensemble de l’équipe de six observateurs qui étaient toujours au Darfour”, a expliqué la chef de la mission de l’UE au Soudan, Véronique De Keyser, de retour à Khartoum après une journée passée à El-Facher, la capitale historique du Darfour. “C’est toujours triste de devoir quitter cette région, qui est une région si pauvre, mais je savais en venant ici pour observer les élections que c’était impossible d’accomplir cette tâche de manière crédible”, a-t-elle poursuivi. Mme de Keyser avait déjà fait part de ses doutes quant à la possibilité de poursuivre sa mission dans cette région où le conflit se poursuit, faute d’accord de paix définitif entre les rebelles darfouris et le pouvoir central. “Si j’estime que les conditions de sécurité non seulement pour mes observateurs mais aussi pour les habitants du Darfour ne sont pas remplies. Si je n’ai pas l’assurance que ces élections permettent une observation crédible, je ne les observerai pas”, avait assuré la responsable belge. “J’ai peur que d’aller observer, avec quelques personnes sur le terrain, une situation dans ces conditions -avec certaines parties du Darfour en guerre- ne permette pas une crédibilité suffisante des observations”, avait-elle ajouté. Sous pression, le président Béchir a multiplié récemment les menaces d’expulsion contre les observateurs internationaux. Quiconque “intervient dans nos affaires ne restera pas plus de 24 heures dans le pays. Quiconque tente de nous insulter, nous lui couperons la langue”, a-t-il dit cette semaine. Il s’agissait de la deuxième déclaration menaçante à l’égard des observateurs étrangers. Mme de Keyser a jugé ces déclarations contraires “à l’hospitalité traditionnelle du monde arabe”.

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