Le peuple égyptien face à un tournant crucial

15-12-2011 09:07 AM

Abdel Massih Felli - Michael Victor


Depuis vendredi 18 novembre, forces de l’ordre et jeunes manifestants s’affrontent quotidiennement sur la place Tahrir.
La promesse du chef de l’armée, mardi dernier, d’accélérer le retour à un pouvoir civil en Egypte n’a visiblement pas été prise au sérieux par les manifestants hostiles aux militaires. Des dizaines de milliers de contestataires se sont de nouveau massés sur la place Tahrir, au Caire.
Les troubles ne sont par ailleurs pas restés circonscrits à la capitale, des affrontements ont notamment été signalés à Alexandrie et à Port-Saïd (Nord), à Suez, à Qena (Centre), à Assiout et à Assouan (Sud), ainsi que dans la province de Daqahliya, dans le delta du Nil.
Après cinq jours d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre qui ont provoqué la mort de 36 personnes, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir en Egypte, a accepté la formation d’un gouvernement de salut national. Cet accord, qui prévoit la mise en place d’un gouvernement de salut national et la tenue d’une élection présidentielle au premier semestre 2012, soit organisée avant le mois de juillet 2012, a été conclu lors d’une réunion entre le chef d’état-major et vice-président du CSFA, Sami Annan, et les représentants des forces et partis politiques influents du pays. Notons que les élections législatives en Egypte devraient commencer demain dans leur première phase. Le vote a commencé à l’étranger mercredi matin. 
  
Election présidentielle 
De sa part, le chef du conseil militaire au pouvoir en Egypte, le maréchal Hussein Tantaoui, a déclaré que le conseil a accepté la démission du gouvernement dirigé par le Premier ministre Essam Charaf. Dans un discours télévisé à la nation, Tantaoui a ajouté que s’il est nécessaire, un référendum national pourrait avoir lieu prochainement pour décider si l’armée aura à transférer le pouvoir immédiatement. Le cabinet Charaf avait présenté sa démission après des affrontements entre manifestants et policiers anti-émeute qui ont fait de nombreux morts et des centaines d’autres blessées. Tantaoui a également déclaré que les élections législatives du 28 novembre auront lieu comme prévu et les militaires ne s’immiscent pas dans le scrutin. 
L’armée ne “se soucie pas de qui va gagner” et “c’est au peuple d’en décider”, a-t-il dit. Il a également nié que l’armée est responsable des morts résultant de la dernière flambée de violences qui ont frappé le Caire et d’autres villes ces derniers jours. 
Position des Frères musulmans 
Les Frères musulmans ont boycotté la manifestation de Tahrir et appelé au calme, soucieux de voir le scrutin, pour lequel ils s’estiment en position de force, débuter comme prévu le 28 novembre. Les opposants ne comptent pas arrêter maintenant leur mouvement en Égypte, malgré le lourd bilan humain provoqué par les affrontements avec les forces de l’ordre place Tahrir.  
Les Frères musulmans ont choisi le dialogue avec le CSFA contrairement aux salafistes qui ont été présents sur la place, notamment leur formation politique, le parti de la Lumière. Par ailleurs, certains partis et groupes politiques, y compris le parti des Egyptiens Libéraux et le bloc égyptien ont stoppé leur campagne électorale, afin de manifester leur refus des politiques sécuritaires sanguinaires face aux manifestants. Certaines forces politiques ont réclamé le rapport des élections d’une semaine, mais les Frères musulmans ont refusé. 
Accusations
“Des bombes lacrymogènes fabriquées aux Etats-Unis comme semblent le montrer de nombreuses photos publiées sur les réseaux sociaux. Les grenades portent en effet la marque Combined Systems, une entreprise basée dans l’Etat de Pennsylvanie. Et certaines d’entre elles auraient dépassé leur date de péremption, parfois de plusieurs années, suscitant des inquiétudes quant à leur effet sur la santé des manifestants.
Car, d’après des témoignages de cyberactivistes, le gaz utilisé par la police ces derniers jours serait plus puissant que lors de la révolte populaire qui avait chassé Hosni Moubarak en février dernier. Ainsi, selon des médecins, utiliser du vinaigre pour en combattre les effets semble désormais moins efficace.”
Hôpital à ciel ouvert 
Police et jeunes révoltés s’affrontent sur la mythique place où les morts se comptent par dizaines et les blessés par milliers. Les médecins bénévoles œuvrent sans relâche. Depuis des jours, la place Tahrir est le théâtre de violents affrontements. D’un côté les unités de police et l’armée chargent les manifestants et décochent des tirs tendus de lacrymogènes. S’ensuivent des tirs à balles en caoutchouc, à balles réelles et de fusils de chasse. De l’autre côté, des jeunes équipés de masques à gaz, de foulards, aspergés de produits pour atténuer l’effet irritant des gaz qui caillassent les policiers.
Dans cette atmosphère de guerre urbaine, les forces de l’ordre tendent de prendre Tahrir envahie par plus d’un million de personnes.
Reste que la bataille se concentre sur la rue Mohamed Mahmoud menant au puissant Ministère de l’Intérieur dont l’armée redoute qu’il ne tombe aux mains des insurgés.
Pour soigner les manifestants sous le feu du régime, des médecins égyptiens ont dressé de vrais hôpitaux de fortune sur la mythique place Tahrir. Face à cette réalité macabre, un élan de solidarité met un peu de baume dans ce climat de violence urbaine. Les gens transportent les blessés, offrent des médicaments, des couvertures, de la nourriture, de l’eau. Il y a même des gens qui forment un mur humain pour protéger les blessés jonchant le cœur de la place Tahrir.
Les blessés ne sont pas transportés vers les hôpitaux de la capitale de peur que les forces de sécurité arrêtent les gens et les mettent en détention. 
Dans les abords de la place, des fastfood américains ont été transformés en dispensaire. Il y a aussi un centre dans la mosquée Omar Makram où sont opérés les cas les plus graves et un autre dans l’église anglicane à deux pas de la mosquée. 
A peine que le pays s`approche d`un accomplissement quelconque,les envieux inventent des troubles pour faire tout basculer.Des scènes répétées de violence,de heurts et de sang !
Qui est derrière cette rengaine dangereuse et écoeurante !
Les violences en Egypte inquiètent la communauté internationale
Christine Ibrahim
Les appels au calme se multiplient après les violences qui ont fait plusieurs  morts depuis samedi en Egypte , notamment place Tahrir, au Caire.
Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a condamné les violences. Dans un communiqué, il se dit ‘vivement préoccupée’ par les affrontements, appelant forces de l’ordre et manifestants à faire preuve de ‘responsabilité’. La France demande ‘la tenue d’élections transparentes aux dates prévues pour réussir une transition démocratique ordonnée’, a-t-il précisé.
Tout comme William Hague, le chef de la diplomatie britannique. Sur Twitter, il écrit que ‘l’Egypte a besoin d’un calendrier crédible pour achever la transition vers un régime civil démocratique, la meilleure façon de prévenir les troubles et de garantir le respect des droits’.
Un porte-parole du Pentagone a déclaré que les Etats-Unis partageaient ‘l’inquiétude de tout le monde à propos de ces violences’ et appelaient ‘chacun à la retenue’ avant d’appeler, lui aussi, à la poursuite de la transition démocratique.
De son côté, la Haute Représentante de l’Union européenne pour la politique étrangère, Catherine Ashton, a invité les autorités à mettre fin aux violences contre les manifestants et à garantir le bon déroulement de la transition vers la démocratie.
Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, demande quant à lui, aux autorités égyptiennes de ‘garantir la protection des droits de l’Homme’, et exhorte ‘toutes les parties’ à favoriser un retour au calme pour que les futures élections, destinées à élire un ‘régime civil’, soient ‘pacifiques et participatives’. L’Allemagne, l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Egypte, a quant à elle jugé “compréhensibles” les demandes des manifestants en faveur d’un transfert rapide du pouvoir à un gouvernement civil. “Dans la nouvelle Egypte, qui veut être libre et démocratique, la répression et l’usage de la force contre des manifestants pacifiques ne peut pas avoir de place”, a déclaré à Berlin le porte-parole Steffen Seibert, en précisant que la chancelière Angela Merkel suivait la situation en Egypte avec une “grande inquiétude”.
Enquête “rapide et impartiale” 
Comme le monde entier, l’ONU découvre au gré des témoignages et vidéos postés sur le net les violences des autorités égyptiennes place Tahrir, et demande la mise en place d’une enquête. Le haut-commissaire des Nations-Unies aux droits de l’Homme, Navi Pillay, a réclamé la mise en place d’une enquête rapide, impartiale et indépendante et, dans l’attente de ses résultats, demande instamment aux autorités égyptiennes de mettre fin à l’utilisation manifestement excessive de la force contre les manifestants de la place Tahrir et ailleurs dans le pays. Il est important de noter que les affrontements de ces derniers jours soulèvent de grandes craintes quant à l’organisation des élections législatives. Selon Amnesty international, le CSFA “a étouffé la révolution” et certaines violations des droits de l’Homme commises depuis qu’il est au pouvoir sont pires que sous le régime Moubarak. 
Position arabe
Dans un communiqué, le chef de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi, a exprimé pour la première fois sa “grande inquiétude” et appelé à “la plus grande retenue, tout en insistant sur la liberté d’expression et le droit des manifestants pacifiques”. Il a également appelé les acteurs politiques “à travailler à un retour au calme et au processus politique pour avancer vers un changement démocratique basé sur les principes de liberté, de dignité et de justice sociale sur lesquels la révolution du 25-Janvier se fondait”.
Selon la BBC, l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe et candidat déclaré à la présidentielle égyptienne, Amr Moussa, a condamné l’usage de la violence par les forces de l’ordre. Il a aussi appelé le gouvernement militaire à mettre fin aux incertitudes entourant la tenue des prochaines élections.
Dans un enregistrement sonore diffusé par la télévision d’Etat, le grand imam d’Al-Azhar, la plus haute institution de l’islam sunnite, qui siège au Caire, a appelé la police à ne pas tirer sur les manifestants, et l’armée à éviter les affrontements “entre enfants d’un même peuple”.
Parallèlement, l’imam a exhorté les manifestants “à préserver le caractère pacifique de leur révolution, quels que soient leurs sacrifices et les difficultés et à ne pas s’attaquer aux biens publics et privés”, rappelant, sur un ton inhabituellement ferme, “que tout dialogue entaché de sang est maudit”.
Le potentiel candidat à la présidence, Mohamed El-Baradei, a dénoncé un “massacre” sur la place Tahrir, et accusé les forces de l’ordre d’utiliser “du gaz lacrymogène contenant des agents innervants”. 
  
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