La révolution du Jasmin

15-12-2011 09:06 AM

Abdel Massih Felli


Les Tunisiens ne veulent pas se faire voler leur révolution. Ils étaient plus d’un millier à manifester mercredi dans les rues de Tunisie pour réclamer de nouveau le départ de l’ancienne équipe du président déchu Ben Ali du gouvernement de transition, affaibli après le départ de quatre ministres issus de l’opposition. “Peuple, révolte-toi contre les partisans de Ben Ali”,  scandaient les manifestants, encadrés par un important dispositif policier. Des milliers de Tunisiens ont de nouveau exigé mercredi, en Tunisie comme en province, le retrait du gouvernement de transition des figures de l’ancien régime et la dissolution du parti du président déchu Zine El Abidine Ben Ali.   Ces démonstrations de colère interviennent avant même la première réunion, peut-être jeudi, du cabinet d’union nationale, formé lundi mais dont quatre membres appartenant à l’opposition se sont déjà dissociés. Malgré de nouvelles négociations, la grande centrale syndicale, dont les trois ministres ont démissionné mardi, a maintenu son refus de participer au gouvernement de transition en raison de la présence en son sein des anciens du RCD. Même décision pour le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), qui disposait d’un poste avec son leader Mustafa Ben Jaafar. En même temps, l’Arabie saoudite où l’ancien dictateur a trouvé refuge lui a interdit toute activité politique liée à la situation dans son pays, dont il a été chassé le 14 janvier après 23 ans de règne sans partage. Les violences ont fait plus de 100 morts depuis la mi-décembre, selon l’ONU.  Le clan Ben Ali-Trabelsi  Une enquête judiciaire a été ouverte en Tunisie contre le président déchu Zine El Abidine Ben Ali et sa famille. L’enquête est ouverte pour “l’acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers”, les “placements illicites à l’étranger” et “l’exportation illégale de devises”, a précisé l’agence officielle tunisienne TAP citant une “source autorisée”. Elle vise  l’ancien chef d’État, sa femme Leïla Trabelsi, “les frères et gendres de Leïla Trabelsi, les fils et les filles de ses frères”. Le clan Ben Ali-Trabelsi est accusé d’avoir mis en coupe réglée le pays depuis vingt-trois ans. “La fortune personnelle de l’ancien président tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali, et de son épouse, Madame Leïla Ben Ali née Trabelsi, serait estimée à près de 5 milliards de dollars”, affirment les plaignants qui reprennent des informations parues dans la presse. L’ancien président Ben Ali, qui a quitté la Tunisie le 14 janvier dernier pour se réfugier en Arabie saoudite, s’est vu interdire mercredi toute activité politique sur ce territoire.  Dans ce contexte, avant même cette décision du procureur de la République tunisienne, la France avait, quelques heures après l’annonce de la fuite du chef de l’État, assuré qu’elle avait pris “les dispositions nécessaires” pour bloquer d’éventuels “mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France”. La Suisse lui a emboîté le pas mercredi 19 janvier en décidant de bloquer d’éventuels fonds appartenant au président tunisien et à son entourage dans la Confédération helvétique. L’objectif de ces blocages, qui courent sur 3 ans, est d’éviter que “d’éventuels avoirs acquis illicitement ne soient transférés à l’étranger avant que la Tunisie n’aie la possibilité de demander une entraide judiciaire en matière pénale pour obtenir la restitution de ces avoirs”, selon la présidente suisse, Micheline Calmy-Rey.  Agenda national Le gouvernement de transition, qui est chargé de préparer des élections présidentielle et législatives d’ici six mois, a annoncé la tenue de son premier Conseil des ministres jeudi.  La réunion était initialement prévue pour mercredi, mais a été reportée en raison de la démission des ministres issus de l’opposition. Cette première réunion de l’exécutif de transition devrait notamment porter, selon une source gouvernementale, sur l’application du principe de la séparation de l’Etat avec l’ancien parti au pouvoir et “l’amnistie générale” promise par le Premier ministre Mohammed Ghannouchi. Longtemps persécutés, les islamistes, qui entendent aussi jouer leur partition dans le débat démocratique en Tunisie, devraient bénéficier de cette loi. Hamad Jebari, secrétaire général et porte-parole du parti Ennahda, férocement réprimé sous le règne de Ben Ali, a discrètement rencontré le Premier ministre lundi. “Nous ne voulons pas d’un retour à la Khomeyni”, s’est-il empressé de rassurer dans une déclaration.  Le nouveau gouvernement est aujourd’hui critiqué par une partie de la population, qui regrette que plusieurs ministres de l’ancien régime aient été maintenus, dont certains à des postes clés. Mohammed Ghannouchi a balayé ces critiques: “Tous les ministres qui sont restés ont les mains propres et une grande compétence. Grâce à leur dévouement, ils ont réussi à réduire la capacité de nuisance de certains milieux. Pour préserver l’intérêt national». Dans ce nouveau gouvernement, le Premier ministre affirme avoir “essayé de faire un dosage qui prend en compte les différentes forces dans le pays”.  Islamistes et violences Pas de retour du chef du parti islamiste sans loi d’amnistie. Pour conclure, le Premier ministre a été clair sur le retour éventuel du chef du parti islamiste, en exil à Londres depuis les années 1990, Rached Ghannouchi. Il a estimé qu’il ne pourra retourner en Tunisie que “s’il y a une loi d’amnistie” effaçant sa condamnation à la prison à vie datant de 1991. Pour Rached Ghannouchi, le leader du parti islamiste, la situation est toute autre. Ennahda a déjà eu une expérience politique à la fin des années 80 avant d’être interdit. Ensuite, les tensions sociales qui ont suivi ont permis à ses thèses de se développer dans les années 2000. Rached Ghannouchi étant une figure charismatique et modérée, il peut récupérer son ancien électorat et capter de nouveaux électeurs attachés à l’islam. Mais cette image d'”épouvantail” peut jouer contre lui en faisant peur et en donnant raison à ceux qui voyaient en Ben Ali un rempart contre l’islamisme. D’où son “auto hésitation” qui pourrait le conduire à ne pas se présenter, cette fois, à la présidentielle, puis ensuite ne pas envoyer de candidats aux législatives pour ne pas trop effrayer le pouvoir politique et la communauté internationale.  Son raisonnement étant simple: “le temps joue en notre faveur et nous serons encore plus forts dans quelques années”.  Qui est responsable des pillages et des violences dans les rues de Tunisie  depuis la fuite de Ben Ali ? Des groupes non identifiés sont accusés de semer la terreur de nuit dans la capitale, sa banlieue, et plusieurs villes du pays, afin de créer le chaos pour favoriser le retour du président déchu, qui a fui  vers l’Arabie Saoudite. Et depuis plusieurs jours, des témoignages attribuent à des membres de l’appareil sécuritaire de l’ancien régime la responsabilité de ces exactions. Ces accusations ont été confortées par l’annonce de l’arrestation du général Ali Sériati, ancien chef de la sécurité présidentielle, accusé d’orchestrer cette campagne de terreur. Mais le corps de la sécurité présidentielle réfute ces accusations.  Les manifestations et le chaos en Tunisie

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