La marche vers la liberté en Libye

15-12-2011 09:06 AM

Abdel Massih Felli - Michael Victor


Après la Tunisie et l’Egypte, la contestation du monde arabe a gagné la Libye. La crise sociale, la situation politique, la censure sont en cause. Comparé à ses voisins d’Afrique du Nord, la Libye est un pays relativement riche, grâce à sa production de pétrole. La Libye est située au 146e rang sur 180 dans le classement de Transparency International sur la corruption, contre le 59e rang pour la Tunisie et le 98e pour l’Egypte. La situation s’est aggravée depuis le début de la contestation en Libye.  Les manifestations ont fait 1000 morts environ et 7 000 blessés, après 10 jours .
 Conseil de sécurité  Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est lui réuni en urgence et a demandé “la fin immédiate” des violences. Les quinze membres du Conseil “condamnent la violence et l’usage de la force contre des civils, déplorent la répression contre des manifestants pacifiques et expriment leur profond regret à propos de la mort de centaines de civils”, a souligné Maria Luiza Ribeiro Viotti, ambassadrice du Brésil à l’ONU et présidente en exercice du Conseil de sécurité. Le Pérou a de son côté annoncé la suspension de “toute relation diplomatique avec la Libye tant que ne cessera pas la violence contre le peuple” libyen, devenant le premier Etat à rompre ses relations avec le pays arabe.   Avant d’exprimer le souhait de suspendre les relations économiques et financières avec ce pays “jusqu’à nouvel ordre”. La contestation du régime libyen a gagné plusieurs capitales européennes. A Stockholm, Vienne, Berlin, Lausanne et Paris, les manifestants se sont donné rendez-vous une centaine d’euro-Libyens et d’exilés, pour défiler et condamner la répression exercée par le régime au pouvoir à Tripoli.  Alors que le président américain Barack Obama a pris la parole pour la première fois publiquement mercredi et jugé “scandaleux” le bain de sang en Libye, l’UE a chargé ses experts d’examiner des interdictions de visa, des gels d’avoirs, et d’éventuelles poursuites contre des dirigeants libyens. Paris a estimé que les violences perpétrées par le pouvoir “pourraient constituer des crimes contre l’humanité” et souhaité que M. Kadhafi “vive ses derniers moment de chef d’Etat”. Londres s’est dit favorable à “une enquête internationale” sur les “atrocités”. La Commission européenne s’est dite préoccupée par le risque de catastrophe humanitaire et évaluait les besoins en cas d’exode massif de la population, au moment où l’évacuation de dizaines de milliers d’étrangers continuait par air et par mer, dans des conditions difficiles. L’UE cherche un appui naval militaire pour évacuer ses quelque 6.000 ressortissants toujours en Libye, a indiqué un porte-parole de la Commission. Un ferry de 1.000 places a accosté en Libye pour commencer à évacuer 18.000 Indiens. L’UE va prendre des “mesures de restriction” pour stopper les violences en Libye aussi vite que possible, a déclaré vendredi la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton.     Aux frontières avec la Tunisie et l’Egypte, les postes frontières voient également grossir le flux des libyens et des étrangers fuyant le pays. Le Croissant-Rouge tunisien a ainsi mis en garde contre un “risque catastrophique” d’exode massive, alors que le ministre italien de l’Intérieur Roberto Maroni a exhorté ses partenaires européens à aider son pays à faire face à un risque de crise humanitaire “catastrophique”. La Libye détenant les plus importantes réserves de pétrole en Afrique, l’or noir poursuivait son envolée sur les marchés, atteignant des prix record depuis plus de deux ans. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril a même frôlé les 120 dollars avant de se replier. La production d’ENI, premier producteur étranger en Libye, a été réduite de plus de 50% à 120.000 barils par jour après l’arrêt de certaines activités en raison des violences, a indiqué son directeur général. D’autres groupes pétroliers ont cessé toutes leurs activités dans le pays comme l’Espagnol Repsol ou une partie comme le Français Total. Mardi, M. Kadhafi a appelé la police, l’armée et ses partisans à réprimer les protestataires, avertissant de possibles “boucheries” et menaçant de “purger (le pays) maison par maison”. Pour le ministre libyen de la Justice démissionnaire, Moustapha Abdel Jalil, le colonel Kadhafi se suiciderait “comme Hitler l’a fait”.
  Evacuer les ressortissants  La situation était confuse mercredi en Libye, alors que de nombreux pays continuent à évacuer leurs ressortissants et alors qu’une manifestation pro-Kadhafi a eu lieu dans la journée. Les heurts semblent se calmer, mais le régime aurait perdu le contrôle de la province de Cyrénaïque, à l’est du pays. Alors que le président du Parlement libyen a assuré que le calme avait été “rétabli dans la plupart des grandes villes” du pays et que l’armée avait repris ses positions, le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini a assuré que la province de Cyrénaïque, sur la côte est, n’est désormais plus sous le contrôle du gouvernement de Mouammar Kadhafi.  Dans le même temps, la plupart des pays occidentaux continuent à évacuer leurs ressortissants de Libye. La France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la Chine ont notamment annoncé l’envoi d’avions et de navires en Libye pour rapatrier leurs ressortissants en raison des émeutes qui secouent ce pays. C’est l’effervescence à Tobrouk, dans l’est de la Libye. La ville est désormais aux mains des opposants au régime de Kadhafi selon ces manifestants et les journalistes de média internationaux qui ont pu se rendre sur place.   Guerre civile  La Libye est dotée d’un système politique très original. Depuis l’accession au pouvoir du colonel Mouammar Kadhafi en 1969, le pays n’a pas de Constitution. Une singularité législative qui participe au côté folklorique du chef de l’Etat libyen, parfaitement symbolisé par la célébration en grande pompe du 40ème anniversaire de l’arrivée au pouvoir du colonel Kadhafi. Dans son livre, Davis John décrit la Libye comme un “non Etat”.   La répression gagne une manche à Tripoli.  Benghazi et l’Est libyen sont aux mains des révoltés. La première manche de la bataille de Tripoli a été remportée par Mouammar Kadhafi. Les bombardements aériens et les mitraillages des hélicoptères de combat sur plusieurs quartiers insurgés de la capitale libyenne et d’autres villes du pays ont eu raison de l’assaut populaire. Les combats ont cessé à Benghazi, la deuxième ville du pays, entièrement aux mains de l’opposition. Ici, la résistance s’organise. Des “comités populaires” sont formés pour quadriller la ville qui tente de retrouver un semblant de normalité. Plusieurs magasins ont rouvert leurs portes ; le réseau électrique fonctionne de nouveau. En revanche, le réseau téléphonique mobile et Internet étaient encore fortement perturbés.  Face à ces violences, les compagnies pétrolières implantées en Libye, comme le britannique BP, le français Total, l’italien ENI, le norvégien Statoil et les allemandes Wintershall et RWE Dea, ont commencé à évacuer leurs salariés. Les États-Unis ont ordonné, le départ de leurs membres du personnel diplomatique “non essentiels”. Plusieurs pays européens et arabes y compris l’Egypte et la Tunisie préparaient également l’évacuation de leurs ressortissants. A noter que le colonel Kadhafi a décidé de couper l’accès à huit sites Internet, dont Facebook, Twitter et Youtube. Afin de contourner la censure du pouvoir sur Internet, les jeunes Libyens, comme leur voisins égyptiens et tunisiens, utilisent Internet pour se mobiliser et exiger la chute de leur chef d’Etat, le colonel Kadhafi.   Le siège d’une télévision et d’une radio publique a ainsi été saccagé dans la soirée par des manifestants à Tripoli et des postes de police et des locaux de comités révolutionnaires ont été incendiés.
Colère de Sarkozy contre Kadhafi Nicolas Sarkozy a demandé, mercredi, « l’adoption rapide de sanctions concrètes » de la part de l’Union européenne (UE) contre les responsables de la répression en Libye et a souhaité la suspension des relations économiques et financières avec ce pays « jusqu’à nouvel ordre ». « La poursuite de la répression brutale et sanglante contre la population civile libyenne est révoltante. La France et les Français suivent ces événements avec horreur et compassion. Un tel usage de la force contre sa propre population est indigne », a déclaré Nicolas Sarkozy en conseil des ministres. Il a réitéré son appel à la fin des violences : « La France demande à nouveau l’arrêt immédiat des violences en Libye et appelle les dirigeants de ce pays à engager sans délai un dialogue politique afin que cesse la tragédie en cours. La communauté internationale ne peut rester spectatrice face à ces violations massives des droits de l’homme. » Il a demandé « au ministre des Affaires étrangères de proposer aux partenaires de l’Union européenne l’adoption rapide de sanctions concrètes afin que tous ceux qui sont impliqués dans les violences en cours sachent qu’ils devront assumer les conséquences de leurs actes ». « Ces mesures concernent notamment la possibilité de les traduire en justice, l’interdiction d’accès au territoire de l’Union et la surveillance des mouvements financiers ». « Je souhaite en outre que soit examinée la suspension des relations économiques, commerciales et financières avec la Libye, jusqu’à nouvel ordre », a précisé Nicolas Sarkozy.
Les Egyptiens de Libye rentrent chez eux dans le chaos
Dans un chaos indescriptible, les travailleurs égyptiens affluent par milliers au poste frontalier de Salloum, fuyant les violences liées à l’insurrection contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Tenant à bout de bras leurs maigres biens, ils ont raconté les violences dont ils ont été témoins dans l’est de la Libye où ils travaillaient. Et ils disent aussi la protection qui leur a été spontanément offerte par les manifestants en révolte depuis une semaine contre le pouvoir du colonel Kadhafi. Entre-temps, l’armée égyptienne a renforcé sa présence à la frontière, et réquisitionné un grand nombre de minibus, les toits surchargés de bagages, pour transporter les travailleurs près de chez eux.  Côté égyptien de la frontière, où flotte un grand drapeau, un blindé est positionné. Alentour, des soldats en tenue de camouflage semblent perdus dans l’incessant va-et-vient de leurs compatriotes tenant des valises, certains portant aussi une couverture sur leurs épaules. En temps normal, le voyage en bus de Salloum –une localité bédouine et poussiéreuse sur la mer– au Caire dure 17 heures. Dans l’hôpital de campagne, 15 hommes sont soignés, dont cinq blessés lors d’une attaque contre leur lieu de travail dans une compagnie d’Etat libyenne à Benghazi. L’hôpital a également accueilli un Libyen qui a perdu un oeil dans cette attaque. Un des Egyptiens arrivés de Libye a remis au médecin une vidéo que l’AFP a pu visionner, montrant 20 hommes, certains en uniformes, gisant sur le sol. Chacun avait une balle plantée à l’arrière du crâne.

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