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15-12-2011 09:06 AM

Par Benjamin Ferran Journaliste, Le Figaro.fr


Le cadre de Google, héros malgré lui de la révolte


Par Benjamin Ferran

La révolte en Égypte a désormais un visage. Mardi, le cadre de Google détenu pendant douze jours par les autorités égyptiennes, Wael Ghonim, est apparu en héros place Tahrir, point névralgique de la contestation contre le régime du président Hosni Moubarak. Plusieurs milliers de personnes l’ont immédiatement acclamé, aux cris de «Vive l’Égypte, vive l’Égypte».
La veille au soir, quelques heures seulement après sa libération, le jeune homme était apparu pour la première fois à la télévision. Dans un long entretien accordé à la chaîne privée Dream 2, il a dit toute son admiration pour ses concitoyens qui sont descendus dans la rue, alors qu’il était aux mains des forces de sécurité et tenu à l’écart du mouvement qu’il a contribué à lancer.
Wael Ghonim, responsable marketing de Google pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, basé aux Émirats arabes unis, a été arrêté au premier jour des manifestations, le 25 janvier et incarcéré dans une prison d’État. Sans nouvelle, Amnesty International avait dit craindre qu’il ne soit torturé. Il raconte avoir eu «les yeux bandés», tout en ayant été «bien traité».
Durant sa détention, le cadre de Google a dû répondre à des accusations répétées de trahison, pour avoir créé l’an dernier le groupe Facebook «Nous sommes tous Khaled Saïd». Cette page du réseau social, qui tire son nom d’un jeune Égyptien battu à mort par la police l’an dernier, a servi de puissant relais à la contestation, au côté d’un autre groupe du «mouvement des jeunes du 6 avril». Elle est aujourd’hui suivie par plus de 50.000 personnes.
«Les vrais héros sont dans la rue»
Criant tout son amour pour l’Égypte, Wael Ghonim rejette en bloc ces accusations de trahison. «Si j’avais été un traitre, je serais resté dans la piscine de ma maison», a-t-il justifié. Au contraire, l’ancien détenu explique avoir dû «ruser» auprès de son employeur pour se rendre dans son pays natal et participer à la mobilisation, en prétextant un «problème personnel». Sur Twitter, il a tenu à remercier Google d’avoir cherché à obtenir sa libération.
Le jeune cadre de Google, visiblement très affecté par la vague de soutiens qui lui ont été adressés et marqué par l’éloignement forcé avec ses proches, refuse pourtant d’être considéré comme un héros. «J’ai seulement utilisé un clavier, je n’ai jamais mis ma vie en danger. Les vrais héros sont dans la rue», a-t-il plaidé à plusieurs reprises. Il assure au contraire avoir «espéré que personne ne découvre» qu’il était l’administrateur de cette page.
Wael Ghonim ne minimise toutefois pas l’importance d’Internet dans la révolte égyptienne. De proche en proche, la révolution s’est propagée «de la jeunesse sur Internet à la jeunesse égyptienne, puis à toute l’Égypte», analyse-t-il. «Je voudrais dire à toutes les mères et à tous les pères qui ont perdu un enfant, que je suis désolé, mais ce n’est pas notre faute. Je jure devant Dieu que ce n’est pas notre faute», a-t-il lancé, en pleurs, peu avant de quitter précipitamment le plateau.
 

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