CAMUS, NOUVEAU HEROS DE NOTRE TEMPS

15-12-2011 09:05 AM


Cinquante ans après la disparition brutale d’Albert Camus, son œuvre est de plus en plus lue et étudiée dans le monde entier. Son refus de toutes les idéologies de la rupture et des sacrifices humains au profit des lendemains qui chantent le rendent plus que jamais nécessaire à l’appréhension des enjeux du XXIe siècle.

Le 4 janvier 1960, le célèbre écrivain français, prix Nobel en 1957, disparaissait dans un accident de voiture. Aujourd’hui, sa famille ne veut pas entendre parler du transfert de son corps au Panthéon, comme l’a proposé Nicolas Sarkozy…

Il y a 50 ans, la mort d’Albert Camus, 47 ans, dans un accident de voiture, scellait la légende de cet écrivain français au destin exceptionnel. Trois ans plus tôt, l’auteur de “L’étranger” (1942) et de “La peste” (1947) devenait le deuxième plus jeune auteur de l’Histoire à recevoir le Prix Nobel de littérature. Il reste à ce jour le lauréat ayant eu la vie la plus courte.
Quelques semaines avant la commémoration du cinquantième anniversaire de sa mort, l’écrivain s’est invité dans le débat public, lorsque le président français, Nicolas Sarkozy, a proposé de transférer ses restes au Panthéon, à Paris. “Ce serait un symbole extraordinaire”, se réjouit le chef de l’État au mois de novembre.

Depuis, le projet s’est heurté au refus d’une partie de la famille de l’écrivain. Selon le quotidien français “Le Monde”, son fils, Jean Camus, estime que le transfert du corps de son père, qui repose depuis 50 ans à Lourmarin (sud de la France), relève du “contresens” et de la “récupération”.

Le symbole du succès

Camus a connu une vie bien différente de celle de ses contemporains. Né en 1913 en Algérie, le jeune Albert grandit dans un quartier populaire d’Alger avec ses deux frères et sa mère, qui ne sait ni lire ni écrire, et à qui il voue une grande admiration. À l’école communale, c’est son instituteur Louis Germain qui détecte son talent pour les lettres et le pousse à poursuivre ses études.

En 1940, Camus s’installe à Paris, où il développe sa philosophie dans le “cycle de l’absurde”, une trilogie dans laquelle il soutient que l’Homme ne trouve pas de cohérence dans la marche du monde et n’a d’autre issue que de se révolter.

En 1943, il s’engage dans la Résistance et prend la direction du journal clandestin “Combat”, avant d’être l’un des rares à dénoncer l’utilisation de l’arme atomique après le bombardement d’Hiroshima, en août 1945.

Après la guerre, l’intellectuel continue de se distinguer par ses prises de position politique. Homme de gauche, il accuse l’Union soviétique de dériver vers le totalitarisme, ce qui lui vaut de se brouiller avec son ami Jean-Paul Sartre. Français d’Algérie, il s’attire les foudres d’une gauche soutenant la lutte pour l’indépendance algérienne, refusant le terrorisme sous toutes ses formes. Craignant notamment pour la vie de sa mère, qui vivait dans un quartier particulièrement exposé aux attentats du FLN, il avait ainsi déclaré : “Si j’avais à choisir entre cette justice et ma mère, je choisirais encore ma mère”.

En 1957, il reçoit le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre “qui met en lumière les problèmes qui se posent à la conscience des Hommes”. Lors de la remise de son prix, il rend un hommage appuyé à son instituteur et devient le symbole du succès de l’école républicaine. Lorsqu’il décède sur une route du département de l’Yonne, le 4 janvier 1960, il laisse derrière lui une œuvre étudiée aujourd’hui dans tous les collèges et les lycées français.

Camus, mon père

Sa fille se souvient… Dans « Albert Camus. Solitaire et solidaire », paru le 10 décembre aux Editions Michel Lafon, Catherine Camus évoque la figure de son père, l’écrivain prix Nobel disparu il y a cinquante ans. En exclusivité, elle se confie au « Nouvel Observateur » et commente des archives familiales
Elle rit. Rire de jeune fille, qui pourrait bien se briser si elle n’y prenait garde. Ses doigts glissent sur les photos. « C’est vrai, sur presque chaque cliché, il fume. Il a toujours fumé comme un pompier. Pourquoi se priver quand on se sait condamné par la tuberculose ? A la fin de sa vie, c’était des Disque bleu. Il essayait de ne pas fumer le matin. Si c’était pour finir dans un platane… » L’humour comme barrage à l’émotion. C’est si dur – et si rare – que Catherine Camus parle de lui, ce père qui a tant appartenu aux autres mais qui reste tellement le sien, jusque dans ses traits, la couleur de ses yeux, son sourire. Dans cette maison de Lourmarin, où il n’a pas vécu plus d’un an et d’où il était parti, insouciant, un matin de janvier 1960, après avoir mis femme et enfants dans le train, pour faire la route avec des amis jusqu’à Paris, il n’est jamais revenu.

Comme autrefois, la maison aux lourdes portes de bois est pleine d’animaux. Deux chiens et six chats. Sur le rebord de la fenêtre, un matou blanc se réchauffe au soleil d’hiver. Un œil bleu, un œil vert, étrange, il vous dévisage. Installée dans la cuisine, Catherine Camus feuillette l’album de ces photos qu’elle a choisies, et raconte son père, sa mère, leurs amours compliquées, ces femmes qui l’ont tant aimé et auxquelles il ne résistait pas, l’engagement et la célébrité, la solitude et les honneurs, la plaie ouverte de l’Algérie, la force et les angoisses d’un homme tout en force et en fragilités. Parfois, dit-elle d’une voix restée celle, chuchotante, d’une adolescente timide, elle ne se souvient pas. « Il y a eu tant de chocs… La maladie de ma mère, cet appartement où nous vivions, et qu’il a quitté un jour, sans que l’on m’explique rien, car on ne parlait pas aux enfants à cette époque-là. Et puis cette mort, sur cette route droite et sèche… » Alors elle a des « blancs », comme elle dit. Ses yeux se perdent dans les images pour ce voyage à remonter le temps, les peines et aussi le bonheur. « Ce qu’il m’a appris, dit-elle, c’est la liberté. J’étais un oiseau dans ses mains, mais un oiseau qui savait qu’il avait le droit de s’envoler. »

En tête du livre qu’elle a conçu avec son amie Marcelle Mahasela, responsable de la documentation Albert Camus , elle a tenu à faire figurer en exergue quelques vers de Jacques Prévert : « Et j’ai mis ma main sur mon cœur où remuaient, ensanglantés, les sept éclats glacés de ton rire étoilé. » Le nom du poème, « le Miroir brisé », lui va si bien.

Légendes
1
En 1957, alors âgé de 44 ans, Camus reçoit le prix Nobel de littérature pour « l’ensemble d’une œuvre qui met en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des hommes. »

Œuvres principales
* L’Étranger
* La Peste
* Le Mythe de Sisyphe
* La Chute
* L’Homme révolté

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