Arthur Rimbaud, la photo retrouvée

15-12-2011 09:05 AM



Une photo inédite d’Arthur Rimbaud, âgé d’une trentaine d’années, la seule de bonne qualité de lui adulte, prise à Aden en Abyssinie, a été découverte par deux libraires qui l’ont présentée jeudi soir au Salon du livre ancien. Jusqu’à présent, on ne connaissait que huit photographies d’Arthur Rimbaud, dont quatre à l’âge adulte.


La photo, qui n’est pas précisément datée, a été prise à Aden, vers 1880, sur le perron du fameux Hôtel de l’Univers. Ce portrait faisait partie d’un lot d’une trentaine d’autres prises à Aden et découvertes lors d’une brocante par les deux libraires, Jacques Desse et Alban Caussé, deux jeunes quadras passionnés de découvertes sur l’histoire des livres et dont la librairie se trouve dans le 18e arrondissement de Paris.


Le  propriétaire de la photo était l’Alsacien Jules Suel, beau-frère de ce Dubar qui avait engagé Rimbaud, à son arrivée à Aden, dans la factorerie que dirigeait Alfred Bardey. «On voyait ce visage, ce type à l’oeil clair qui a l’air d’un extraterrestre au milieu des autres, un peu comme s’il était là et en même temps ailleurs», a raconté Jacques Desse.


«L’endroit où nous l’avons acquise et son prix importent peu. L’extraordinaire c’est que c’est un peu le chaînon manquant entre la célèbre photo du poète de 17 ans d’Etienne Carjat et quatre autoportraits réalisés dans des conditions très mauvaises avant sa mort en 1891», ajoute-t-il. Pour authentifier le cliché (9,6 x 13,6 cm), les deux libraires ont fait appel à Jean-Jacques Lefrère, spécialiste de Rimbaud et auteur d’une correspondance posthume sur le poète.


Cet ouvrage, «Sur Arthur Rimbaud, Correspondance Posthume», montre comment toute la correspondance au sujet du poète, après sa disparition, a contribué à créer le mythe, alors qu’il était totalement oublié au moment où il est mort, selon la maison d’édition. Après de nombreux recoupements avec d’autres photos, des lettres et un travail minutieux de deux années, consistant notamment à vieillir la photo de Carjat et à analyser entre autres l’implantation des cheveux de Rimbaud, le cliché a été authentifié avec certitude.


 


Biographie d’Arthur Rimbaud
Poète français. Jean Nicolas Arthur Rimbaud, né à Charleville, a sept ans quand son père, capitaine d’armée abandonne sa famille de cinq enfants. A l’école et au collège, il est remarqué par sa très grande précocité et remporte tous les prix dont le concours général de composition latine sur le thème “Jugurtha”. George Zambard, un de ses professeurs le guide sur la voie de la poésie dans laquelle le jeune Arthur Rimbaud qui voudrait devenir Parnassien s’oriente. Meurtri par la tragédie de la Commune, il fugue pour rejoindre Paris et devenir journaliste, mais il est rapidement ramené chez sa mère. Etouffant sous la coupe d’une mère autoritaire et atteint d’un besoin maladif de marcher, toujours plus et toujours plus loin, il commence une longue série de fugues.


Le jeune Arthur Rimbaud mène alors une vie de bohème à Paris. Dans son poème “L’orgie parisienne”, il dénonce la lâcheté des vainqueurs après l’écrasement de la Commune. En 1871, de retour à Charleville, il écrit un “Projet de constitution communiste” qui ne nous est pas parvenu et devient encore plus sarcastique après la défaite contre les Prussiens. Arthur Rimbaud commence à rejeter la poésie des parnassiens, et, après avoir écrit “Le Bateau ivre”, s’installe chez Paul Verlaine. Commence alors avec son mentor une vie de scandale et de vagabondage en Angleterre et en Belgique. Leur relation passionnée et tumultueuse se termine en 1873 quand, lors d’une dispute, Paul Verlaine blesse légèrement avec une balle de revolver, Arthur Rimbaud qui retourne à Charleville et écrit “Une saison en Enfer”.


A vingt-quatre ans, Arthur Rimbaud abandonne le monde de la poésie et de la littérature pour celui de l’aventure comme remède à son ennui. Il voyage en Europe, puis au Yémen, à Djibouti, en Ethiopie, en Erythrée, où il exerce divers métiers. En 1880 il devient gérant d’un comptoir commercial à Harar en Abyssinie où il réalise des échanges de produits et du commerce d’armes entre l’Afrique et la France. En 1891, atteint d’une tumeur au genou, il se fait rapatrier et est amputé. Atteint de gangrène et d’un cancer généralisé, il meurt le 10 novembre 1891 à Marseille dans d’atroces souffrances. Sa mère et sa soeur, toutes deux bigotes, qui avaient tenté de le convertir au catholicisme sur son lit de mort lui donnent un enterrement religieux de première classe mais sans publier d’avis de décès. “De tous les poètes maudits, Rimbaud est celui qui eut le plus de luxe et le moins de monde à sa cérémonie funèbre.” (Jean-Jacques Lefèvre dans la biographie “Arthur Rimbaud” 2001)


Blasphémateur, écrivant “Mort à Dieu” sur les églises, anticlérical très critique envers les prêtres et la société du XIXe siècle qui enferme l’individu, Arthur Rimbaud est depuis son adolescence un libre penseur et un athée.



Sur le plan poétique


      L’écriture de Rimbaud donne l’exemple universel d’une expérience des limites, chacun ayant au cours de son existence ressenti cette révolte que le poète maudit, larguant toutes les amarres, pousse à son comble alors que l’homme se contente de l’abriter frileusement sous le masque social.


      Rimbaud a aussi inventé une langue nouvelle, comme il la souhaitait : “de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant” (Lettre du voyant). Pas de description minutieuse : une forme, une violence charnelle dans la couleur éclatante. Par ses visions, les êtres, les objets s’animent et s’unissent dans la vie de l’image. Ce nouveau verbe poétique a fait sauter les normes de la civilisation et de la détermination sociale.


      Avec lui, la poésie a la couleur de la musique et de la peinture, le mouvement de la danse et du rêve. Il souhaitait que d’horribles travailleurs lui succèdent. Et ils sont venus, les Jarry, les Artaud, les Vitrac et tous les Surréalistes, sans oublier les poètes du Grand Jeu comme René Daumal, ou encore Henri Michaux ! Comme “Le Bateau ivre”, ils ont plongé au fond de l’inconnu, ouvrant la voie à la poésie contemporaine.
   



Citations d’Arthur Rimbaud :


“Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.”
(Le Bateau ivre / 1871)


“A quatre heures du matin, l’été,
Le sommeil d’amour dure encore.
Sous les bocages s’évapore
L’odeur de soir fêté.”
( Une saison en enfer / 1873)


“Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or;
Qui dans le bercement des hosannas s’endort,
Et se réveille, quand les mères, ramassées
Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir!”
(Le Mal)


“On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.”


“Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvés !”


“Par les soirs bleus d’été, j’irais dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.”



   Légendes 
 1 
Il se tient assis, sur le perron du Grand Hôtel de l’Univers, lors de son séjour à Aden, en Abyssinie. Rimbaud est assis à droite, près de la femme



  2
 Rimbaud adulte, à Aden.


 

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