Après Gbagbo, le chaos?

15-12-2011 09:07 AM


CONFLIT



Alors que les négociations sur la reddition de Laurent Gbagbo  n’ont toujours pas abouti mercredi, la question de la transition du pouvoir avec Alassane Ouattara est déjà au coeur des interrogations. «Il sera très difficile pour Alassane Ouattara de gouverner un pays avec une telle violence, qui a pris une tonalité ethnique à Abidjan», estime Richard Banegas, politiste à l’université Panthéon-Sorbonne et au Centre d’études des mondes africains (Cemaf).
Des promesses bienvenues, mais pas suffisantes
Malgré les appels préalables à la réconciliation nationale lancés par les partisans d’Alassane Ouattara, le directeur de la revue Politique Africaine voit mal comment celui-ci pourra obtenir rapidement la confiance de ses opposants alors qu’il est arrivé au pouvoir grâce aux militaires et à la communauté internationale. «Toutes les promesses sont les bienvenues, il faudra en effet être inclusif et donner des gages à tous les camps, mais ce ne sera sans doute pas suffisant pour recomposer le tissu national qui s’est déchiré», ajoute Richard Banegas. Sans compter sur les alliés d’un jour, comme Guillaume Soro, Premier ministre désigné, qui pourrait ne pas vouloir en rester là.
La «spirale de violence»
Le sort de Laurent Gbagbo est également primordial. S’il venait à y laisser sa vie, «ce serait extrêmement grave pour le pays», prévient le politiste, parce que «beaucoup de gens ont voté pour lui et le soutiennent». «Si Laurent Gbagbo se fait tuer ou même se suicide,  Alassane Ouattara sera accusé de l’avoir tué, et s’il est envoyé en justice, il faudra aussi ouvrir les dossiers de son adversaire», préciseChristian Bouquet, professeur de géographie politique à Bordeaux-III et auteur de Géopolitique de la Côte d’Ivoire (Armand Colin, 2008). «On pourra alors imaginer une spirale de violence, de vengeance, des règlements de compte sur la seule suspicion ethnique», craint Richard Banegas qui évoque «une spirale déjà enclenchée», notamment à Abidjan. Celle-ci est toutefois provoquée par une «minorité d’extrémistes», selon lui. «Les faiseurs de rois sont ceux qui ont les armes» et Alassane Ouattara devra s’atteler à les contrôler dès que possible.
Pas «coupée en deux»
Ceux-ci sont notamment issus de sa propre armée, «qui n’en est pas vraiment une», montée de toute pièce et indisciplinée, accusée de s’être livrée à des pillages et des exactions lors de leur offensive vers le sud du pays. Des accusations qui prévalent également pour les jeunes patriotes armés par Laurent Gbagbo à Abidjan. «Il faudra remettre l’armée républicaine en place, la recimenter et lui donner des valeurs», estime alors Christian Bouquet. Cependant, l’universitaire écarte l’idée d’un pays «coupé en deux». «Il y a une énorme attente de la part de la population qui milite pour la paix», renchérit Richard Banegas. Pour Christian Bouquet, Alassane Ouattara dispose tout de même de quelques atouts qui pourront l’aider à mener à bien son futur mandat: l’appui non démenti d’Henri Konan-Bédié (troisième au premier tour de la présidentielle), sa future collaboration avec les meilleurs éléments du camp Gbagbo en vue d’un gouvernement d’union nationale et un solide programme économique légitimé par son passage au FMI.

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