Aïda, l’éternel opéra

15-12-2011 09:06 AM

Névine Lameï


En célébration de la fête du 6 octobre, l’Opéra Aïda est actuellement donné sur le plateau des Pyramides de Guiza.


Aïda est un opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi sur un livret d’Antonio Ghislanzoni d’après une intrigue d’Auguste Edouard Mariette, créé le 24 décembre 1871 à l’Opéra Khédival du Caire. 
Commandé dans le temps par le Khédive égyptien, Ismaïl Pacha, pour les fêtes d’inauguration du canal de Suez, il a été représenté pour la première fois au nouvel Opéra du Caire construit pour l’occasion. L’archéologue Mariette avait fourni l’idée et suivi de près le travail de mise en scène, assurant que le spectacle soit conforme à ce que l’on savait de l’ancienne Égypte. Craignant un échec, il retirera son nom avant la première.
N’ayant pas assisté à cette première, Verdi ne fut pas satisfait par ce succès parce que la salle n’était composée que de dignitaires invités, de politiciens et de critiques, mais d’aucun membre du grand public. Il a donc considéré la première européenne, à la Scala de Milan, le 8 février 1872, comme la véritable création. Par la suite, le 2 octobre 2010, une représentation pharaonique s’est déroulée au Stade de France à Paris. Quelques 67000 spectateurs étaient venus assister à l’évènement.
L’opéra, situé à Memphis et à Thèbes au temps des Pharaons, met en scène l’intrigue amoureuse entre une esclave éthiopienne ou Aïda (jouée par  la soprano égyptienne Iman Moustapha et l’Italienne Maria José) et un soldat égyptien ou Radamès (joué par le ténor égyptien Walid Korayem et l’Américain Marc Hiller), contrariée par le conflit armé opposant leurs deux peuples. Quant au rôle du grand prêtre Ramphis, il sera joué par le basse baryton Réda Al Wakil.
Dans un tempo lent, des violons divisés jouent pianissimo le thème d’Aïda. C’est un très beau thème timide et aérien qui dépeint la douceur du personnage. Vient ensuite aux violoncelles d’abord puis à tout l’orchestre une sinistre phrase descendante symbolisant les vindicatifs prêtres qui seront une des clés de voûte de l’intrigue (notamment Ramphis). Les deux thèmes très contrastés s’opposent jusqu’au climax : un fortissimo général où se mêlent les deux thèmes : Aïda se révolte contre son sinistre destin où les prêtres et la fatalité la précipiteront. Cependant l’orchestre déjà diminue d’intensité et le prélude se termine dans le calme.
Aïda est construit, selon Verdi, sur l’opposition entre trois personnes : Radamès, Aïda et Amneris. Le premier à venir sur scène est le jeune militaire. Son aria d’ouverture, au début de l’acte I,  est construit sur trois idées musicales distinctes : le récitatif d’ouverture traite de l’ambition de Radamès, la mélodie principale de son amour pour Aïda et la section centrale de son attitude envers l’amour qu’Aïda porte à sa patrie; chaque section se caractérise par une musique différente. Ce qui frappe d’abord, c’est le contraste qui existe entre les différentes sections, surtout entre le récitatif et l’aria. Dans le récitatif, les paroles de Radamès sont de caractère fortement martial. Elles sont ponctuées par un motif de trompettes qui se retrouvera lors de la scène du triomphe. L’aria proprement dit se transforme subitement en une mélodie lyrique accompagnée de cordes et de vents qui créent un effet de couleur locale chatoyant; le contraste des deux parties n’est adouci ni par une transition, ni par une introduction. De plus, Radamès ne semble pas être conscient du caractère hautement contrasté de ce qu’il chante; il est aveugle face au conflit qui existe entre son ambition de gagner la guerre d’une part, et son amour pour Aïda. Verdi démontre à travers une musique brusquement contrastée l’incompatibilité intrinsèque des obsessions de Radamès et nous avertit de leur collision prochaine.


Aïda a une perception claire des tensions inconciliables auxquelles elle est confrontée. De nouveau, chaque section de la pièce traduit des idées distinctes, formant ici une progression qui conduit inexorablement l’héroïne au désespoir : elle est déchirée entre son amant d’un côté, son père et sa patrie de l’autre ; elle proclame passionnément son amour de son pays mais se rappelle immédiatement celui qu’elle éprouve pour Radamès. En proie à l’angoisse, elle s’écrie qu’elle ne peut choisir entre son père et son amant, la réconciliation ne pouvant avoir lieu que dans la mort. A la fin de l’aria, elle se retourne vers les dieux pour demander pitié. Contrairement à l’air de Radamès, les contrastes ne sont pas soulignés : chaque section se fond dans la suivante. Ainsi le caractère d’Aïda est-il dépeint musicalement à travers les conflits qui constituent le cœur du drame.


Amneris, le troisième et dernier personnage principal, est sans doute le plus intéressant. La fille du Pharaon est partagée entre deux passions contradictoires, son amour désespéré pour Radamès et son désir de vengeance. Amneris domine entièrement les moments essentiels de l’action comme la scène du jugement à l’acte IV. Dans cette scène, elle révèle une personnalité dramatique hors du commun, exprimant tour à tour, avec une égale profondeur, l’amour malheureux, la tendresse déçue, la fureur de vengeance, le désespoir et le remords. Ces métamorphoses d’élans passionnés aboutissent à la grande imprécation qui conclut la scène.


Histoire d’Aïda


L´action se déroule au temps des pharaons et relate l´histoire de Radamès, général égyptien, qui dédaigne l´amour de la fille du roi d´Egypte en faveur d´Aïda, une jeune esclave qui n´en est pas moins la fille du roi d´Ethiopie, ennemi mortel du roi d´Egypte. Par amour pour elle, il trahit son pays et est condamné à être enterré vif; Aïda le suit dans la mort.


A l’acte 1, le Grand prêtre Ramphis et le capitaine des gardes Radamès discutent des derniers événements : l’armée éthiopienne s’est à nouveau mise sur le pied de guerre. La déesse Isis a révélé à Ramphis le nom du commandant des troupes égyptiennes s’opposant aux Ethiopiens. Resté seul, Radamès imagine qu’il a été désigné comme chef et qu’il restitue à l’esclave Aïda, la fille du roi d’Ethiopie Amonasro, dont il est amoureux, le territoire qui lui revient  Amnéris, qui aime Radamès, arrive sur ces entrefaites pour sonder les sentiments profonds qui animent ce dernier. Aïda les rejoint; Amnéris perçoit intuitivement le sentiment qui les unit. Le roi d’Egypte Ramphis et sa suite apprennent que les Ethiopiens, sous la conduite du Roi Amonasro, ont envahi l’Egypte et marchent sur Thèbes. Le Roi révèle qu’Isis a désigné Radamès comme commandant de l’armée égyptienne. Aïda est effrayée par la nouvelle qui fait au contraire exulter de joie Radamès. Restée seule, la princesse éthiopienne médite sur le dilemme dans lequel elle est enfermée : partagée entre son amour et sa patrie, elle prie les dieux d’avoir pitié de ses souffrances.
A l’acte 2, les esclaves sont en train de vêtir Amnéris pour la fête organisée pour célébrer leur triomphe. La princesse égyptienne continue à soupçonner les sentiments de Aïda. Elle finit par les connaître clairement en lui communiquant la fausse nouvelle de la mort de Radamès. N’ayant alors plus le moindre doute, elle enlève son masque et dévoile son stratagème en jurant vengeance. Une fanfare et un chœur triomphal célèbrent, dans le fond de la scène, l’entreprise victorieuse de Radamès.


A l’acte 3, dans le temple, les fidèles invoquent la déesse Isis. Amnéris et Ramphis pénètrent à leur tour dans le temple pour formuler des vœux propitiatoires à la veille du mariage. Aïda se rend aussi sur les lieux, où elle évoque avec nostalgie son pays. Arrive à son tour Amonasro qui lui assure qu’elle pourra retourner dans sa patrie et lui promet la gloire et l’amour si elle parvient à savoir quelle voie emprunteront les Egyptiens. Le peuple éthiopien pourra ainsi les surprendre. Aïda doit parvenir à soutirer ce secret à Radamès. Après un premier moment d’effroi, elle se ressaisit et finit par accepter. Radamès arrive. Aïda, pour se soustraire à l’injonction de son père, le supplie de s’enfuir avec elle. Radamès ne comprend pas. Elle l’accuse alors de ne pas l’aimer mais le héros finit par lui donner son accord : ils fuiront ensemble, en traversant le défilé de Nàpata. Amonasro surgit de sa cachette. Radamès comprend qu’il a été déshonoré. Aïda et son père cherchent à le réconforter tandis que surviennent Ramphis et Amnéris. Amonasro tente de tuer la princesse égyptienne mais il est arrêté par Radamès. Il parvient à s’enfuir avec sa fille, mais les gardes se mettent à leur poursuite. Radamès se livre aux prêtres.
A l’acte 4,  près de la porte qui donne sur la salle souterraine où se tient le tribunal, Amnéris songe à la manière dont elle pourrait sauver Radamès. Ce dernier entre, conduit par les gardes. Amnéris le conjure de se rétracter mais le héros déclare qu’il veut mourir. La princesse lui révèle alors qu’Aïda est encore en vie. Radamès, qui croyait qu’elle avait été tuée, comprend que sa propre mort servira à protéger sa bien-aimée.  Dans le souterrain, les prêtres et Ramphis invoquent la justice divine. Radamès refuse de se disculper. Il est condamné à être enterré vivant. Amnéris invoque la pitié des prêtres, mais en vain; elle jette alors l’anathème sur eux.
Les prêtres enferment Radamès sous la pierre tombale. Le héros pense à Aïda, qui se présente soudain devant lui : comme elle avait pressenti sa condamnation, elle s’est glissée dans le tombeau avant que la sentence ne fût prononcée, afin de mourir avec lui [Duo : Morir sì pura e bella]. On entend le chant des prêtres au-dessus d’eux. Radamès ne parvient pas à pousser la pierre tombale. Tous deux, tendrement enlacés, adressent leur dernier salut au monde. Amnéris, en habits de deuil, se prosterne sur la tombe.


Rendez-vous avec un opéra à succession de scènes intimes qui traitent du conflit insoluble entre l’éthique et la nature, entre la loi morale et les exigences de la vie, un drame où l’amour, la jalousie, le devoir, l’honneur et la trahison se heurtent terriblement.


 


 

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